Le Bhoutan, vous connaissez ? Grand comme la Suisse, situé entre l’Inde et le Tibet et entouré par les hauts sommets himalayens, ce pays compte un peu plus de 1,7 millions d’habitants, dont moins de 800.000 autochtones. Très discret, il n’a jamais fait parler de lui. Excepté en 1974, lorsque le roi du Bhoutan décréta le concept du « Bonheur National Brut », et en 2004, ou il y prohiba totalement le commerce du tabac.
Depuis fin 2004, le petit royaume du Bhoutan est en effet devenu le premier (et le seul) pays au monde à totalement interdire la vente de tabac. Mais cela ne signifie pas pour autant que ses habitants n’ont pas le droit de fumer. Il est juste interdit de fumer en public.
Les habitants peuvent continuer à fumer du tabac, ou à le chiquer, dans un cadre privé… à condition de l’acheter hors du pays et de payer des taxes de 100% sur le prix de vente. Ainsi que 100% de droits de douane sur les produits du tabac.
La vente de tabac est fortement réprimée, et elle punie d’une amende de 10.000 Nu (220 dollars), une somme plus que prohibitive, au regard du revenu mensuel moyen, qui est de moins de 18 dollars.
De 1 à 7% de fumeurs en quelques années
Selon les autorités, au Bhoutan, en 2004, moins de 7% de la population fumait ou chiquait du tabac, mais ce pourcentage était d’à peine 1% une décennie plus tôt. Selon un représentant du ministère de la Santé, les hommes, surtout les jeunes commençaient à en prendre l’habitude, et cela est vite devenu un problème de taille.
Il était donc plus que temps de prendre ces mesures courageuses. C’est donc depuis le 17 décembre 2004 – jour de la fête nationale – que la loi prohibant le commerce du tabac dans l’ensemble du pays est entrée en vigueur.
Cette impossibilité de se procurer du tabac a, depuis lors, grandement aidé les citoyens de ce petit pays de 2 millions d’habitants à arrêter de fumer. D’ailleurs, la très grande majorité des Bhoutanais ont immédiatement encouragé cette initiative, car les enseignements du bouddhisme déconseillent l’usage de tabac – très justement considéré comme mauvais pour la santé.
Est-ce qu’on devrait en faire autant chez nous ?
Et vous, que pensez vous de cette façon radicale d’éradiquer la consommation de tabac de ses habitants ? Est-ce que nos gouvernements devraient utiliser la même méthode pour obliger leurs citoyens à arrêter de fumer… puisqu’il semble – sauf rares exceptions – que toutes les méthodes actuellement employées ne freinent que très peu l’évolution du tabagisme ?
Où en est le Bhoutan face au tabac en 2022 ?
La pandémie de Covid-19 a eu un impact sur les exportations et les importations de tous les pays. Face à l’impossibilité pour les citoyens du Bhoutan de se procurer des produits à base de tabac, le gouvernement a décidé de mettre en place des points de vente pour faciliter l’approvisionnement de ces marchandises malgré la loi de 2010 interdisant leur vente sur le territoire. Cette décision visait à réduire au maximum les déplacements mais également à endiguer les réseaux de contrebande de tabac. Une décision incompréhensible pour certain qui vont même jusqu’à la juger anti-constitutionnelle.
Le People’s Democratic Party (PDP), un parti politique bhoutanais très présent dans le pays, attaque la décision du gouvernement de réintroduire des points de ventes officiels sur le territoire. Le PDP juge la justification de l’intérêt sanitaire du gouvernement comme infondée. De plus, le parti politique dénonce la mise en place d’un monopole anti-démocratique. En effet, le gouvernement a entièrement délégué la gestion des points de vente à la compagnie nationale Bhutan Duty Free Limited, une compagnie de vente de produits alcoolisés, parfums et cigarettes nationalisée par le gouvernement.
Face à cette décision en faveur d’une faible portion de la population, on est en droit de se demander s’il s’agit d’une décision provisoire ou si le gouvernement du Bhoutan compte maintenir les points de ventes ouverts à la sortie de la pandémie mondiale. Une chose est sûre, ce pays précurseur dans l’interdiction totale du tabac connaît une période économique et sanitaire difficile. L’appel à l’opposition au gouvernement lancé par le PDP en 2021 risque d’accentuer les difficultés de ce pays d’environ 800 000 habitants. Affaire à suivre.
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